Lettre à Mike-Dip
Lorsqu’il s’éveilla de nouveau, Mike sut qu’on l’avait déplacé. Il était couché dans un lit, dans un endroit calme et tranquille. Ouvrant les yeux et tentant de clarifier son esprit, il réalisa qu’il se trouvait toujours à l’hôpital mais que cette fois-ci, on l’avait installé dans une chambre privée. Il constata que c’était un hôpital plutôt bien équipé. Son regard terne se posa sur les tableaux suspendus au mur et sur le fauteuil luxueux près de son lit. Au plafond, on avait posé une élégante tuile insonorisante à motifs à carreaux que le regard flou de Mike percevait en losanges. Il y avait toujours ces lumières fluorescentes, mais on en avait tamisé l’effet en diminuant leur intensité et en les enfonçant à demi dans les tuiles du plafond.
[…]
Ne voyant personne près de lui, Mike entreprit l’analyse des récents événements. Avait-on opéré sa gorge ? Pouvait-il parler ? Avec précaution, il porta la main à celle-ci, s’attendant à y trouver des bandages épais ou même un plâtre. Mais non, la peau était parfaitement lisse ! Il fit glisser ses doigts le long de son cou et nota que tout était comme il se doit. Il se racla la gorge et observa avec surprise que sa voix était normale. C’est en ouvrant la bouche toutefois qu’il situa le problème. Il ressentit alors une douleur atroce propre à provoquer la nausée, juste derrière la bouche, près des oreilles. Une douleur qu’on peut entendre, se dit-il en se jurant de ne plus ouvrir la bouche si rapidement.
[…]
Lorsque l’infirmière entra dans la chambre, Mike lui posa la question : Où suis-je ? murmura-t-il.
- Dans un hôpital privé de Beverly Hills, monsieur Thomas répondit l’infirmière en se rapprochant. Vous avez passé la nuit ici dès votre sortie de la salle de récupération de l’urgence. Vous devriez avoir votre congé bientôt.
Mike ouvrit grand les yeux, et son visage exprima une certaine inquiétude. Il avait entendu parler de factures de deux à trois mille dollars par jour dans les endroits comme celui-ci. Son cœur se mit à battre la chamade en songeant à la façon dont il allait s’acquitter des frais rattachés à son séjour ici.
- Vous en faites pas, monsieur Thomas, dit l’infirmière rassurante, en voyant son expression. Tout est réglé. Votre père y a vu. Eh oui, il a tout payé.
Michaël demeura silencieux quelques instants, se demandant bien comment son père décédé avait bien pu régler ses factures ! Elle supposait que c’était son père, mais ce devait être son voisin. Mike trouva la force de parler malgré sa difficulté de le faire.
- L’avez-vous vu ? gémit-il. - Vu ? Bien sûr ! Un bel homme ! Grand et blond comme vous. Une voix de saint. Il a fait tourner la tête des infirmières, je vous assure.
L’accent de l’infirmière rappelait à Mike son Minnesota natal. Ils avaient tous une façon bien à eux de s’exprimer, un peu comme Yoda dans La Guerre des étoiles, particularité qu’il avait d’ailleurs perdue en s’installant en Californie. Elle poursuit : « Il a tout payé, comptant d’ailleurs. Ne vous en faites pas, monsieur Thomas. Ah oui ! il a aussi laissé un message pour vous ».
Le cœur de Mike fit un bond, même s’il soupçonnait que ce père était en réalité son voisin. D’ailleurs, la description de l‘infirmière ne cadrait pas. Elle quitta la pièce afin d’aller cherche le message. Elle revint en moins de cinq minutes avec une enveloppe portant le nom de l’hôpital.
- Il l’a dictée, vous savez, dit-elle en sortant une feuille dactylographiée de l’enveloppe. Comme il se plaignait que son écriture n’était pas très claire, nous avons tapé ces mots pour lui à la réception. Ce n’est pas facile à comprendre, si vous voulez mon avis. Est-ce qu’l vous appelait Dip lorsque vous étiez jeune ?
L’infirmière lui tendit la note qu’il se mit à lire.
Cher Mike-Dip,
Les apparences sont parfois trompeuses. Ta quête commence ici. Guéris vite et prépare-toi pour le voyage. J’ai organisé ton retour à la maison. Accepte ce cadeau et entreprends ta prochaine étape. Nous te montrerons le chemin.
Mike sentait des frissons courir le long de son échine. Il regarda l’infirmière, les yeux pleins de reconnaissance, et porta la note sur son cœur. Il ferma les yeux, souhaitant rester seul. L’infirmière comprit et quitta discrètement la pièce.
Des tas de possibilités tournoyaient dans sa tête. Les apparences sont parfois trompeuses, disait la note. Ce n’est pas peu dire. Il savait qu’un criminel lui avait piétiné la gorge et l’avait presque laissé pour mort sur le plancher de son appartement. Il avait senti chacun de ses os se rompre au moment de l’agression. Et pourtant, il n’avait aucune blessure, sinon une mâchoire disloquée qu’on avait d’ailleurs replacée et quelques coupures au visage et à la tête. Son corps serait endolori quelque temps, mais il n’était pas invalide. Etait-ce là le cadeau ?
Il n’avait pas pensé que l’ange de sa vision puisse être réel jusqu’à ce qu’il lise ces mots. Si ce n’était pas un ange, qui était-ce ? Il ne connaissait personne pouvant disposer d’une telle somme d’argent ou qui était assez près de lui pour lui offrir quoi ce que ce soit et encore moins régler son imposante facture. Qui d’autre avait eu vent du voyage qu’il se proposait d’entreprendre ? Son corps vibrait de toutes ces questions et des doutes l’envahissaient quant à la provenance de ce message et à son contenu lorsque soudain, il comprit.
L’infirmière lui avait demandé si on l’appelait Dip. Sur la note, il était écrit en un seul mot, tel un surnom. Pas de doute, l’ange qui avait déboursé les frais avait dicté l’expression en toutes lettres. Mais il s’agissait non pas d’un surnom, mais d’initiales : d.i.p, de l’Intention pure. C’est ainsi qu’on s’adressait à lui, Cher Mike de l’Intention pure. Il sourit puis se mit à rire. Malgré la douleur, il ne pouvait s’arrêter de rire et tout son corps frémissait de gaieté. Quand, enfin, il se calma, des larmes de joie coulaient sur ses joues. Il rentrait chez lui !
kreyon, canalisé par Lee Carroll
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