L’affaire Judas

 

Cet enseignement, je ne le réalise que maintenant, nous fut délivré environ deux ans après que le Maître eût généré autour de Lui un noyau de disciples bien constitué et apparemment très solide. C’était un noyau, rappelons-le, au sein duquel il était trop tentant de se sentir élu et comme faisant partie d’un plan parfait, justement promis à l’éternité. Aucun de nous, j’en suis certain, ne fit le rapport entre ce qui nous était enseigné et ce que nous vivions. Nous marchions à la suite du Maître, de ce fait nous étions convaincus toucher à la Vérité et il n’y avait aucune raison pour que cela cesse puisque nous fonctionnions entre nous comme une famille où chacun remplissait sa tâche du mieux qu’il le pouvait, même parmi les inévitables petites rivalités. 

 

L'affaire Judas dans PERSONNAGES HISTORIQUES JudasKiss

 

Cet état d’esprit qu’on pourrait définir comme celui de la « bonne conscience » était nôtre lorsque survint ce que j’appelle aujourd’hui « l’affaire Judas »; le choc n’en fut que plus foudroyant. Parmi les plus proches du Maître, Judas avait toujours tenu une place quelque peu marginale. Il n’était pas le seul lettré comme on le prétend parfois. Lévi le leveur d’impôts savait aussi un peu lire et écrire, tout comme Jean et quelques autres dont la plupart étaient issus de la Fraternité essénienne

 

Ce n’était pas son instruction qui particularisait donc Judas mais son côté volontiers impertinent, frondeur et sa mémoire qui nous semblait prodigieuse. Il savait tout de ce qu’avait déclaré le Maître, quel jour ce dernier avait délivré tel enseignement, qui était présent et quels étaient les aspects les plus pointus de cet enseignement… En réalité, il provoquait un peu la jalousie ainsi que la méfiance car son vocabulaire et ses remarques traduisaient souvent son ancienne appartenance au clan zélote. Jeshua, qui plus est, paraissait lui accorder une confiance toute spéciale… Judas se trouvait donc fréquemment, contre son gré, au centre de quelques luttes intestines. Le fait que les Évangiles canoniques ne lui laissent aucune chance en faisant radicalement de lui l’archétype du traître parfait est dû pour une bonne part, à mon sens, à la convoitise dont il faisait l’objet. Il faut dire aussi que son caractère quelque peu secret ne l’a sans doute pas aidé à se faire aimer de tous. Au-delà de ces considérations, Judas n’était pas le personnage sombre et intriguant qu’on a fait de lui. Bien que peu bavard, il appréciait la plaisanterie et  se montrait attentif à la peine d’autrui. 

 

Après l’arrestation survenue sur le Mont des Oliviers, il est certain que, sous le coup de l’émotion, nous crûmes tous – ou presque – en sa trahison. L’affaire n’était cependant pas aussi simple ni aussi évidente qu’on le laisse croire dans les Évangiles. Nous étions quelques-uns à savoir que Judas souhaitait organiser une rencontre entre Jeshua et le Sanhédrin afin de poser les bases d’une entente face à une tension sociale politico-religieuse qui s’échauffait à un rythme dangereux.  C’était, selon lui, la seule solution pour enrayer celle-ci puisque le Rabbi se tenait au carrefour de nombre de préoccupations et d’intentions. 

 

Dans un cénacle restreint, nous savions aussi, par ailleurs, que le Maître et Judas s’étaient rencontrés en privé chez Nicodème ou Zachée à plusieurs reprises. Qu’il y eut là un accord entre l’Iscariote et Jeshua menant à une arrestation au jardin de Gethsémané me paraît plausible ainsi que le soutient la thèse née de la récente publication de L’Évangile selon Judas. Il n’y eut aucun témoin à ces rencontres et celles-ci ne semblent pas accessibles par le biais des Annales akashiques… Cependant une telle hypothèse est vraisemblable car conforme en tous points avec l’enseignement délivré par le Maître et qui est cité un peu plus haut… à savoir qu’il faut des « briseurs de systèmes » pour générer des dynamiques et aller de l’avant. 

 

Que serait-il advenu de la Mission du Christ sans le rôle terrible joué par Judas? On peut se le demander. Si la Crucifixion était une nécessité ainsi que l’affirment les mystiques et les théologiens, nous devons en conclure qu’il y avait une entente, subtile pour le moins, au niveau de l’ âme entre le Maître et l’Iscariote. D’autre part, on peut être certain que les rédacteurs successifs des Évangiles ont déformé la scène de l’ arrestation. Le fameux « baiser de Judas » et les pièces de monnaie échangées sont une pure allégorie qu’une légère approche de l’alchimie permet de décoder. Une petite parenthèse… Cette prise de conscience du rapport existant entre certains passages des textes sacrés et l’élaboration du Grand OEuvre nous force à admettre que certains des rédacteurs des Évangiles – au-delà des censeurs et des falsificateurs – étaient férus d’alchimie puisqu’ils ont ponctué « leurs » textes de références précises en établissant un rapport entre la vie du Christ et l’élaboration de la Pierre philosophale. 

 

Pour ceux que la question intéresse, en voici deux exemples significatifs: Il y a, tout d’abord, le célèbre reniement de Pierre qui eut lieu trois fois avant le chant du coq. Cet épisode évoque clairement une phase précise dans l’élaboration finale de la Pierre philosophale, celle où la Matière première dans son athanor, juste avant l’aube, donne à trois reprises l’impression de ne pas évoluer dans la direction où il le faut, ce qui ferait alors échouer l’OEuvre. Je citerai ensuite le symbolisme entourant le rouge du manteau dont on couvrit les épaules du Christ juste avant sa crucifixion. Bien que son tissu ne fût pas si éclatant que cela à l’époque, il faut y voir une allusion à la couleur rubis caractérisant la Pierre philosophale lorsque celle-ci parvient à l’état de sublimation. Dans le dégagement de la Conscience du Christ hors du corps de Jeshua sur la croix, on retrouve le même acte de sublimation. C’est l’instant de la croisée des chemins, celui où le plomb de la matière dense humaine rencontre l’Or spirituel de l’Esprit divin, le Transmutateur. J’ai encore en mémoire l’explication que certains prêtres donnaient de la couleur rouge du manteau attribué au Christ avant sa mise en croix… On nous disait qu’il s’ agissait, il y a deux mille ans, du manteau des fous et que c’ était ainsi une façon de dénoncer la folie qu’Il avait eue de se prétendre « roi des Juifs ». Là encore, il y a déformation et appauvrissement. Si certains alchimistes se sont emparés de la notion de folie il y a de nombreux siècles, c’était dans son acception mystique et symbolique, par référence au Fou des arcanes majeurs du Tarot, celui qui ré-écrit toute chose et qu’il est « dangereux » de suivre… 

 

Pour en revenir à Judas, il est bien certain qu’il ne lui a pas été nécessaire d’identifier le Maître aux yeux des Romains par un baiser. Le visage du Rabbi était connu et sa stature le rendait facilement repérable… surtout, ne l’ oublions pas, en un temps où la population de Jérusalem et de la Palestine n’était guère nombreuse. Quant au suicide de l’Iscariote, il est pure légende. Judas disparut bel et bien pendant de nombreuses années afin d’éviter les réactions de ses co-disciples. Si la majorité d’entre eux étaient incapables d’admettre le fondement de ce qui s’était passé, chacun savait cependant qu’il était vivant et qu’il avait même femme et enfants!. 

 

Ce ne fut que vers la fin de sa vie, après être sorti à grand peine d’un long état dépressif – une nuit de l’âme qu’il consentit à rédiger lui-même la première ébauche du texte qui est parvenu jusqu’à nous. Par ailleurs, quelques brèves incursions dans les Annales du Temps m’ont permis de comprendre que l’intervention de Jean fut pour beaucoup dans son déblocage et sa libération psychologiques. En supposant qu’il y ait véritablement eu entente entre Judas et Jeshua au sujet de la nécessité d’une arrestation, on peut a priori se demander pourquoi le Maître lui infligea une telle épreuve n’entraînant, de toute évidence, que rejet et haine. Je crois que la réponse est assez simple et qu’elletient dans une remarque que le Christ faisait  volontiers à ceux qui avaient l’impression que le sort s’acharnait toujours sur eux ou qui étaient terrassés par une grande souffrance. – « Ne maudissez jamais l’étroitesse des portes par lesquelles il vous est demandé de passer. Une épreuve est toujours le signe que mon Père s’occupe de vous. S’Il laboure le champ de votre âme, c’est qu’Il a l’intention d’y semer quelque chose. Lorsqu’une terre est retournée, les mauvaises herbes se retrouvent racines en l’air… C’est cela qui fait mal. Ainsi, mes amis, ne voyez pas vos souffrances comme une malédiction ou un châtiment mais comme une préparation. 

 

Ce qui rugit en vous, c’est toujours la partie superficielle de votre âme ~ l’autre, celle qui n’est pas semblable à une terre meuble, celle qui est solide comme le roc et qui renferme cristaux et pierres précieuses demeure intacte dans vos profondeurs. Je vous le dis dès lors, ce que la souffrance ébranle en vous n’est pas le meilleur de vous-même, ce n’est pas même vous mais l’illusion que vous entretenez de vous. Ne recherchez pas le labourage de la souffrance en croyant ainsi plaire à l’Éternel car le premier devoir est de s’aimer et d’aimer ce qui nous est donné… Cependant, lorsque la souffrance apparaît, sachez l’accueillir comme un maître surgi du désert pour vous enseigner ~ sachez l’ accueillir comme vous m’accueillez car, je vous l’annonce, ce n’est pas la quiétude qui pousse en premier lieu dans l’empreinte de mes pas. » Lorsqu’on se laisse pénétrer par le sens profond de ces paroles, il est alors plus aisé de comprendre pourquoi le Christ ne craignait pas d’affirmer parfois qu’Il venait tout autant apporter le glaive que la paix. C’était sa façon de nous dire qu’étant donné l’état de maladie de l’ensemble de l’espèce humaine, seules de profondes mutations avaient valeur de remède. 

 

Pour en conclure ici avec Judas, il devient enfin aujourd’hui évident qu’il n’est pas à considérer comme le dernier des disciples, le « rouquin au regard fourbe » dont l’image a été entretenue par un grand nombre de peintres. Dans notre système d’univers, tout n’est pas organisé ainsi qu’on le pense souvent selon le modèle décimal mais selon le principe du duodénaire, c’est-à-dire à partir de la loi du douze. Si, dans la symbolique chrétienne, Judas joue le rôle de treizième convive lors de la dernière Cène, , engendrant ainsi la base d’une superstition, il faut surtout comprendre que, pour passer d’un système de fonctionnement au système suivant, il convient d’introduire en son sein un élément de rupture. Passer de la logique d’un duodénaire à celle du duodénaire suivant requiert donc l’apparition du treize, lequel entraînera une dynamique obligatoire de transformation. Le nombre treize est celui qui, symboliquement, autorise à regarder ailleurs et plus avant. 

 

Étrangement, en langue française on appelle judas une petite lucarne discrète permettant d’observer ce qu’il y a au-delà d’un mur ou d’une porte. Analogiquement, Judas n’est pas l‘obstacle mais une sorte de portier – au sens noble du terme – offrant l’opportunité d’appréhender Ce qui est plus loin et qui nous attend… si nous le souhaitons

 

 

Les messages Esséniens – Daniel Meurois-Givaudan  - les  enseignements premier du Christ

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