La nuit de l’âme
Il nous faisait ainsi comprendre que les paroles qu’Il distillait n’étaient qu’un pas de plus vers la Connaissance et révélaient le stade actuel de la page de Vérité que nous étions humainement capables d’assimiler. De fait, ce qu’Il nous délivrait était déjà suffisamment hors norme et sulfureux pour l’époque où nous vivions sans qu’il fût besoin de pousser beaucoup plus loin les frontières, non seulement de notre intellect mais surtout de notre capacité de « digestion cardiaque ». Et Dieu sait que ces frontières étaient déjà incroyablement malmenées! Tellement défoncées que certains d’entre nous, ébranlés de toutes parts, entraient dans de véritables nuits de l’âme durant des mois et des mois.
Un tel cap, nous disait Jeshua, était inévitable et béni puisqu’il témoignait du pourrissement de certaines valeurs illusoires auxquelles notre personnalité s’était accrochée. Il est bien évident que quiconque entame une vraie quête spirituelle passe par de nombreuses phases de ce type où le doute, le rejet, la colère et enfin la désespérance constituent le lot du quotidien.
À ce propos, le Maître ne cachait pas le fait que Lui-même connaissait bien cet état abyssal de la conscience pour l’avoir souvent visité dans d’autres temps avant que son âme n’entre en pleine floraison. En nous précisant cela, Il entendait gommer toute différence entre sa propre essence et la nôtre, nous confirmant ainsi, une fois encore, notre devoir de travailler à la sublimation de notre être. Si sa qualité d’Avatar ne Lui avait pas fait traverser une telle nuit sous la personnalité du Rabbi Jeshua, Il ne niait pas qu’Il était néanmoins passé par des portes étroites avant d’entrer en pleine unité avec son Père, c’est-à-dire de pouvoir dire « Je » en Son Nom sans la moindre trace égotique.
Dans un rare moment de confidence, Il nous dit aussi que cette porte avait été celle du pouvoir, non pas psychique ou spirituel car celui-ci était l’état de fait par lequel il Lui était demandé d’agir en ce monde, mais le pouvoir temporel. Lorsque l’Esprit adombre la personnalité incarnée, cette dernière se couvre d’une telle puissance que seule une profonde maîtrise parvient à la canaliser et à la limiter dans ses manifestations. L’épisode de la Tentation, tel qu’il est décrit dans les Textes, représente une illustration du type d’obstacle et de choix auxquels un Maître de Sagesse peut se trouver confronté.
Lorsqu’un tel Maître se nomme le Christ, cela donne à réfléchir, là encore, quant à la notion de libre-arbitre. Ainsi, si on admet que le Christ pouvait être tenté, on reconnaît par là-même son côté humain incarné et le fait que sa Mission n’était aucunement gagnée par avance. Ce n’est pas L’amoindrir ni ternir son image que de réaliser cela, bien au contraire. Si Jeshua avait été comme une statue figée, incapable de la moindre autonomie et donc de « sortir des rails » fixés par le Divin, il y aurait dans cette sorte de fatalité quelque chose de décevant et d’infiniment moins admirable. Lorsque l’Esprit prend le risque de la densité, c’est justement dans cette descente audacieuse qu’Il parvient à donner à l’Amour sa pleine mesure. Son premier enseignement est à ce titre celui de l ‘humilité. Qui ne risque pas de chuter, ne saura jamais ni marcher, ni voler…
Comment pourrais-je oublier ce sentier dans la rocaille parcouru aux côtés du Maître entre Ber-Sheba et Jérusalem? Il faisait une chaleur torride et nous n’en pouvions plus… cependant qu’un discours d’une grande importance nous était tenu. Jeshua cherchait à nous faire toucher du doigt la vérité selon laquelle la notion de perfection était relative, en d’autres termes simplement adaptée à un temps et à son niveau de conscience. Ainsi, disait-Il, tout système, qu’il soit philosophique, religieux ou encore lié à la gestion des affaires de ce monde, aussi admirable puisse-t-il paraître, est voué à une fin certaine. Cet état de fait générait, selon Lui, un grand bien même s’il fallait en passer par les affres de la décadence et de la transformation.
Une roue qui tourne trop parfaitement pendant trop longtemps ne peut ainsi engendrer que l’ennui puis 1′hypnose. En termes plus actuels, cela signifie que le Christ reconnaissait l’utilité d’un grain de sable apparaissant au coeur d’une mécanique bien rodée. Il faut, disait-Il, « des êtres qui créent des événements dérangeants, il faut des rebelles pour briser régulièrement cette pseudo-harmonie qu’est le sommeil de l’âme de ceux qui, tout au long de leur vie, se pensent sur le « bon chemin ». De tels hommes ne créent pas souvent la paix de leur vivant mais ils en appellent une autre pour ceux qui viendront après eux; ils forcent les endormis à la croissance… Ils sont ceux par qui les Temps avancent et accouchent d’une nouvelle conscience. »
Les messages Esséniens – Daniel Meurois-Givaudan - les enseignements premiers du Christ.
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