L’arbre et le cercle
L’arbre et le cercle
Joycelyn Campbell
(Traduction par Fabien Chabreuil)
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Dans le livre de Joseph Niehardt, Black Elk Speaks, le grand chaman Lakota décrit sa vision : « J’étais debout sur la plus haute des montagnes et tout autour de moi, était le cercle complet du monde. Et tandis que je me tenais là, j’ai vu plus que je ne peux le dire et j’ai compris plus que je n’ai vu ; car je voyais en esprit les formes de toutes les choses et la forme de toutes les formes qui doivent vivre ensemble comme un être unique. Et j’ai vu que le cercle sacré de mon peuple était un des cercles qui constituaient un cercle grand comme la lumière du jour et celles des étoiles et au centre duquel poussait un puissant arbre en fleurs pour protéger tous les enfants d’une mère et d’un père uniques. Et j’ai vu que tout ceci était sacré. »
Etre sacré signifie être entier ou salutaire, sain ou curatif, saint ou béni. Depuis les temps les plus reculés, partout sur la terre, les hommes se sont réunis en cercle. Le cercle est le symbole universel de la complétude aussi bien dans les religions que dans le monde séculier. Il est visible dans le symbole chinois du Yin et du Yang, dans la Roue tibétaine de la vie et de la mort, dans la Roue celtique de l’année, dans les mandalas et dans les roues de médecines et même dans la Table Ronde du roi Arthur. Les chakras sont représentés comme des disques ou des roues d’énergie et le symbole de l’Ennéagramme est enclos dans un cercle. Cet aspect du symbole de l’Ennéagramme est particulièrement remarquable. Le concept de neuf types séparés peut être véhiculé de manière appropriée par les deux autres parties du symbole, le triangle et l’hexagone. Nous avons parfois tendance à insister sur les types et à les détailler en composants de plus en plus petits. Mais leur positionnement sur un cercle, le symbole de l’unité, nous rappelle que les neuf types font partie d’un tout.
L’arbre est un autre symbole très ancien ; il représente la croissance et la progression. Un arbre est planté dans le sol, mais ses branches s’étendent vers le haut, vers les cieux. Partout dans le monde, les arbres jouent un rôle majeur dans de nombreux mythes comme dans l’histoire égyptienne d’Osiris, dans celle d’Apollon en Grèce ou dans la mythologie nordique qui dépeint le monde comme constitué de trois niveaux reliés par Yggdrasill, l’arbre cosmique. Bouddha est dit avoir atteint l’illumination sous l’arbre Bô et la Bible nous raconte l’histoire de l’Arbre de la connaissance (du bien et du mal) et de l’Arbre de vie.
Le symbolisme de l’arbre peut prendre d’autres formes, comme celle de l’échelle. Dans Une brève histoire de tout, Ken Wilber utilise la métaphore de l’échelle, du grimpeur et du point de vue pour décrire les étapes de la croissance et du développement. Quand nous grimpons sur un barreau de l’échelle, nous nous désidentifions du point de vue que nous avions du barreau précédent et nous identifions au point de vue que nous avons du barreau actuel. Pourtant, chaque nouveau barreau « repose » sur les précédents et les inclut. Bien que notre vision ait monté d’un niveau, elle est soutenue par tous les niveaux inférieurs.
Les sept chakras principaux, qui sont part d’un réseau plus vaste d’énergie subtile, sont représentés comme montant de la base de la colonne vertébrale au sommet de la tête, la colonne vertébrale représentant le symbolisme vertical de la progression et de la croissance. Des tentatives ont été faites pour trouver une correspondance biunivoque entre les chakras et les types de l’Ennéagramme, mais elles ne fonctionnent pas car un des symbolismes est vertical et l’autre horizontal. Même s’ils se recoupent, ils ne correspondent pas un à un.
Comprendre l’intersection entre les chakras et l’Ennéagramme, l’arbre et le cercle, améliore et clarifie les fonctions des trois centres d’intelligence et donne une image plus claire et plus brillante du chemin de transformation. J’ai passé des années à combiner le travail avec l’Ennéagramme et celui sur les chakras et mon expérience me fait percevoir ces deux merveilleux systèmes comme complémentaires.
On pense généralement que les chakras font partie de l’hindouisme, mais en fait on les trouve dans le monde entier. Ils font partie de la spiritualité égyptienne et de celle des amérindiens et sont décrit dans le plus vieux mythe connu, l’histoire sumérienne de la descente de la déesse Innana dans le monde souterrain. La guérisseuse intuitive Carolyn Myss (Anatomie de l’Esprit) voit une relation entre les chakras et à la fois les sept sacrements chrétiens et la Kabbale.
Ces roues distinctes d’énergie ou de lumière sont reliées les unes aux autres par trois circuits. Le circuit central, la sushumna, correspond à un méridien majeur en acupuncture. Les deux autres, ida et pingala émergent du premier chakra et vont vers le haut en une sorte de double spirale passant par les autres chakras, jusqu’à ce qu’ils atteignent le sixième chakras où ils se réunissent pour former un seul courant. Le symbole de la médecine, le caducée, illustre cette spirale par deux serpents entrelacés autour d’une baguette ailée. L’ida et la pingala représentent les aspects mâle et femelle de l’énergie subtile nommée kundalini. La kundalini, connue aussi sous les noms de prana, chi, ou force de vie, est symbolisée par un serpent endormi enroulé à la base de la colonne vertébrale, à l’emplacement du premier chakra, jusqu’à ce qu’il soit réveillé et commence son ascension. (Cette approche est en accord avec l’affirmation de Gurdjieff selon laquelle l’homme ordinaire est endormi et seul un effort intentionnel et habile peut le réveiller.)
En travaillant sur les sept chakras, le but est de les ouvrir tous et de les équilibrer. Un déséquilibre, excès ou déficience, dans un quelconque des chakras affecte le fonctionnement de tout le reste. De même, en travaillant avec l’Ennéagramme, le but est d’équilibrer les trois centres d’intelligence. Les trois centres de l’Ennéagramme ont à la fois des aspects et des fonctions inférieures et supérieures alors que le système des chakras est constitué de trois chakras inférieurs et de trois chakras supérieurs avec un pont entre eux.
Le premier chakra (Mulhadara) et le cinquième (Vishudda) semblent correspondre au centre instinctif : le premier chakra représente le fonctionnement inférieur [survie physique, obtenir de l'environnement ce dont nous avons besoin, action et réaction], alors que le cinquième représente le fonctionnement supérieur [expression authentique de soi, contribution à l'environnement, créativité].
Le deuxième chakra (Svadisthana) et le sixième (Ajna) semblent correspondre au centre émotionnel : le deuxième chakra représente le fonctionnement inférieur [émotion, sensualité et sexualité, empathie, relations interpersonnelles], alors que le sixième représente le fonctionnement supérieur [intuition, discernement, imagination, le monde des rêves, des symboles et des archétypes].
Le troisième chakra (Manipura) et le septième (Sahasrara) semblent correspondre au centre mental : le troisième chakra représente le fonctionnement inférieur [volonté, pouvoir, estime de soi, logique, rationalité et raison], alors que le septième représente le fonctionnement supérieur [sagesse, conscience, éveil, transformation et transcendance].
Le quatrième chakra (Anahata) est un pont entre les chakras inférieurs et supérieurs et ne correspond pas directement à un des trois centres. C’est le chakra du coeur (ou centre) et le siège de la compassion, de l’acceptation de soi et de l’amour inconditionnel. C’est aussi l’emplacement de l’Observateur Intérieur qui nous donne la possibilité de voir et de nous désidentifier de notre Soi compulsif tout autant que le désir de nous reconnecter à notre essence.
Pour « voir » neuf types séparés, nous devons regarder à travers la lentille de la dualité. Chacun des trois centres d’intelligence de l’Ennéagramme est relié à un chakra duel et à un chakra non-duel. La dualité nous informe sur notre existence quotidienne ; la dualité « éveillée » est la prise de conscience que ces paires apparentes d’opposés ne sont que la réflexion l’un de l’autre et que la vérité est quelque part entre le jeu de la lumière et de l’obscurité, de vous et de moi, de ceci et de cela.
Au premier chakra, « tout est un », ce qui signifie que la dualité, en tant que telle, n’existe pas. Dans Creating Mandalas, Susanne F. Fincher dit : « Psychologiquement parlant, nous avons tous eu l’expérience de l’unité quand nous étions enfants. Avant que notre identité ne se sépare du monde de l’expérience, tout était un. Quand la personne avance en âge, les fonctions de pensée, d’émotion, de sensation et d’intuition se différencient et deviennent accessibles à la conscience. » La dualité et la polarité apparaissent quand l’énergie kundalini se sépare en deux flux, l’ida (femelle) et le pingala (mâle), au niveau du deuxième chakra ; cette division fournit les bases de notre rencontre avec l’autre. Sans polarité, notre reproduction serait asexuée et aboutirait à la production de clones (sans différentiation). Dans les termes du centre émotionnel, la dualité fournit les bases de notre quête d’identité, qui est au cœur des types 2, 3 et 4. Sans autre à qui se comparer, il ne peut pas y avoir de « Je ».
Au troisième chakra, la dualité est tout aussi essentielle. Sans elle, des disciplines comme la philosophie, les mathématiques et la physique, n’existeraient pas. La dualité fournit le soit/soit, la cause/effet et le si/alors qui sont le fondement du raisonnement linéaire rationnel. L’esprit rationnel explique, analyse, classe en catégories, conceptualise et comprend. Il a aussi tendance à essayer de réduire les choses à leur plus petit commun dénominateur pour alléger la peur et l’anxiété, ce qui est l’objectif des types 5, 6 et 7. Cette hyper-simplification est utile, mais si on s’appuie exclusivement sur elle, elle peut nous poser (et nous a déjà posé) de graves problèmes.
Au quatrième chakra, nous développons l’Observateur Intérieur, en devenant capable de nous voir distinct de notre corps, de nos actions, de nos émotions et de nos pensées. C’est la dualité qui nous permet cela et c’est une bénédiction ; sinon, nous serions coincés dans nos attachements et nos compulsions, sans espoir d’en sortir.
Au cinquième chakra, la dualité rend la créativité possible par la tension entre les opposés, connue aussi sous le nom de tension structurelle. Tous les artistes en font usage et tout art est conçu dans ce cadre. Cependant, quand elle n’est pas utilisée créativement, cette tension des opposés dégénère en un conflit structurel, fondement de la résistance qui est à la base du fonctionnement des types 8, 9 et 1. La dualité est aussi un facteur de communication, dans la mesure où celle-ci nous demande de participer à la fois en parlant et en écoutant.
Au sixième chakra, l’ida et le pingala fusionnent et deviennent un à nouveau. Nous sommes alors libérés de la pensée soit/soit, blanc/noir et nous reconnaissons que la vraie nature de l’univers est non-duelle. Quand nous sommes délivrés du fait de sans cesse peser et mesurer, être en accord et en désaccord, évaluer, trier et mesurer, nous sommes capable d’apercevoir un monde qui est interconnecté, inclusif plutôt qu’exclusif, entier plutôt que fragmenté. Nous pouvons aisément entrer dans la réalité des archétypes, des mythes, des rêves et des symboles et y apprendre. Nous commençons à voir les schémas qui sous-tendent le chaos apparent du monde et à découvrir que l’intuition et la synchronicité, par exemple, sont la norme plutôt que l’exception.
C’est depuis la perspective de la non-dualité qu’au septième chakra, nous nous éveillons à la connaissance de qui nous sommes. C’est l’essence et l’alchimie de la transformation. C’est une question d’expérience directe de reconnexion à la source plutôt qu’une compréhension intellectuelle.
Les chakras sont universels en ce sens que chacun de nous doit parcourir le même chemin vertical pour ouvrir et équilibrer les sept centres d’énergie. Selon notre type dans l’Ennéagramme, nous trouverons certaines étapes du voyage plus faciles que d’autres. Pourtant, aucun chakra n’est plus important que les autres. Si nous n’avons pas des fondations solides dans les trois chakras inférieurs, nous n’aurons pas les bases nécessaires au développement des chakras supérieurs. Comme le disait Abraham Maslow, « la part élevée de l’homme repose sur sa part inférieure. » Il en est de même avec l’Ennéagramme ; si nous ne pouvons pas équilibrer les niveaux inférieurs des centres, nous aurons des difficultés à contacter leurs aspects supérieurs. Le résultat est un accent mis sur nos différences plutôt que sur notre interconnexion et sur l’unité dans la diversité et il se reflète dans le monde autour de nous.
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Joycelyn Campbell anime des cours et des ateliers sur l’Ennéagramme, la créativité et changement, après avoir exercé une fonction de conseil auprès de consommateurs de drogues. Elle a une expérience considérable du travail avec des individus et avec des groupes en utilisant l’Ennéagramme, les chakras, l’écriture, l’art-thérapie, la méditation, la visualisation, la mythologie et le travail sur les rêves. Elle a co-développé ENNEA-JOURNALING : Writing for Transformation avec Elizabeth Libbey et publie une lettre d’informations trimestrielle, Soul Cycling. Joycelyn peut être jointe à soulcycles@aol.com.
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