Le terrain de jeux de l’évolution
Le seuil évolutif
La quête ou la crise provoque toujours les mêmes questions:
- Puis-je m’en sortir, et si oui comment?
- Que dois-je faire, puis-je être aidé sans subir d’influence, ne vaut-il pas mieux essayer tout seul?
- Dois-je suivre ma propre voie contre toute autorité, ou me soumettre pour conserver amour, gratitude, sécurité?
- Que puis-je abandonner sans prendre le risque de tout perdre?
- Puis-je résoudre un problème particulier sans toucher au reste?
- Ai-je intérêt à guérir mon mal-être, si par exemple, cela me pousse à divorcer, à changer de métier?
- Un changement dans un secteur ne va-t-il pas entraîner toute une suite de métamorphoses pour lesquelles je ne suis pas réellement prêt dans d’autres domaines dont je me contente?
- Comment accueillir plus de doutes, alors que ma position déjà incertaine est inconfortable?
- Comment m’en tirer en préservant le maximum de ce que j’appelle mon identité, tout en concédant le minimum de terrain nécessaire?
- Dois-je renoncer à savoir où je vais pour mieux évoluer, jusqu’où s’exerce mon contrôle, et qu’est-ce qu’on va penser de moi?
- Quels sacrifices suis-je prêt à faire pour changer ma vie d’une manière réellement satisfaisante?
- Jusqu’où le jeu en vaut-il la chandelle si je décide de vraiment évoluer, ne vais-je pas à la rencontre d’obstacles encore plus nombreux ou pires?
La souffrance intérieure peut être entérinée par un statu quo mental, mais en pratiquant l’alchimie, nous chercherons à identifier quelle blessure fondamentale affecte un des pouvoirs du septénaire. Les blessures, que nous identifierons en détail plus tard, sont nécessaires. Elles permettent au moi de reconnaître la complexité du non-moi — l’existence et les objets, et de distinguer le temps du champ auquel il nous relie pour obtenir un nouveau contrat. Elles ouvrent aussi l’abîme du moi, l’investigation sur soi-même, qui va départager les pouvoirs yin de l’identification des pouvoirs yang de la différenciation.
La prévention traditionnelle
Le bouddhisme pointe le désir et la peur, et nous invite à observer nos processus mentaux, tandis que l’hindouïsme, avec l’opposition Conscience/Energie, souligne la suprématie de l’œil qui échappe au mouvement, le purusha, la conscience-témoin. C’est l’Inde qui insiste sur le fait que nous sommes prisonniers du mouvement, et prône une vigilance suprême pour éviter d’être entraîné n’importe où par la vitesse de la vie. Les doctrines chinoises, qui semblent moins ambitieuses, proposent de rendre conscients les mouvements (automatiques) du corps et de l’esprit, pour en recouvrer le naturel pur — la finalité dans l’ordre cosmique, en préconisant simplement d’être éveillé à chaque instant, c’est-à-dire capable de différencier si l’on émet (yang) ou si l’on reçoit (yin). Le mouvement est alors bienvenu, d’autant qu’il peut être considéré, d’un point de vue métaphysique, comme l’essence de la Manifestation. Il s’agit donc de la même réalité psychique que la thérapie investit et que la tradition démêle: c’est le mélange ininterrompu de ce qui est perçu avec ce qui perçoit. Quand tout va bien, ce n’est plus la peine de distinguer le moi du non-moi, le sujet de l’objet, l’identification, la reconnaissance spontanée du milieu se produisent sans coup férir. La durée est instrumentalisée. Le pêcheur du dimanche qui sifflote en se rendant près de la rivière oublie ce qu’il est et se laisse aller à son moment de loisir en rêvassant, les couples nouvellement formés, toujours euphoriques, coïncident dans leurs désirs et préoccupations, le prêtre qui s’oublie dans son sermon et qui touche l’enthousiasme, l’inspiration, exprime spontanément le dimanche l’essentiel de ce qui constitue sa vie, sans effort comme si tout allait de soi. Mais ce même pêcheur perd son calme quand ses enfants le contrarient, le prêtre, s’il tombe amoureux, se culpabilisera et s’arrachera les cheveux. Les couples se déchirent une première fois, quand la lune de miel se termine. Le moi et le non-moi peuvent devenir incompatibles, et le temps se refuser à les lier. C’est une force de distinction qui se manifeste, elle implique donc une multiplicité, le sujet et l’objet — et les facteurs qui s’immiscent entre eux.
Le seul problème, c’est que ce qui nous dérange n’est pas nécessairement hétérogène (mais seulement considéré comme tel par l’ego), tandis que ce qui nous agrée est parfois réellement hétérogène (sans que nous n’acceptions de le voir) cas courant des passions destructrices, des addictions, des compulsions, des complexes. Le moi se trompe donc à qui mieux-mieux dans sa relation au non-moi et à l’altérité, et tandis qu’il peut inventer des préjudices imaginaires et les matérialiser, il peut également ignorer de véritables blessures, ou les minimiser. Mais le corps lui, s’en souviendra, par l’action mystérieuse de l’esprit qui le sert indépendamment de notre volonté et assentiment, et qui sanctionnera le déséquilibre. La fracture événementielle, le choc, la déficience de l’ego devant une catastrophe ou un sinueux sabotage du bonheur ordinaire, sont une source évolutive qui engendre une transformation. Comme le bébé finit par se rendre compte vers l’age de six mois qu’il est distinct de sa mère ou que sa mère n’est pas lui, ce qui revient au même, et qu’il en tire tout d’abord une rage terrifiante, puisqu’il saisit pour la première fois que l’objet existe et peut se dérober à ses attentes, ainsi les fractures événementielles créent-elles une souffrance identique, l’isolation du moi.
Dans tous les cas de figure, nous voyons bien qu’être noyé en permanence dans l’adhérence au non-moi n’est pas le seul procédé évolutif, bien qu’il prédomine dans la nature. Cela conforte nos tendances yin, lune, venus, jupiter d’une certaine façon, et neptune. Mais les forces de distinction, soleil, mars, saturne, uranus, transforment la viscosité, l’adhérence, l’identification. Le yang a sa place, c’est lui qui fonde le sujet, le sujet guéri en psychothérapie, le Moi, c’est-à-dire le soi, dans la quête divine. Jouer consciemment avec le Yin et le Yang, ou pratiquer une sadhana, cela revient à mener sa propre psychothérapie, et c’est finalement ce que la tradition préconise.
En tant qu’astrologue, je prévois l’occurrence statistique de ces grands moments où le moi et le non-moi deviennent incompatibles, comme dans un viol. Peu de personnes peuvent échapper à des configurations cosmiques difficiles, dont la probabilité est forte, à plus ou moins longue échéance selon leur horoscope. Transits uraniens, saturniens ou plutoniens, si l’humanité se sensibilise aux transformations actuelles de l’atmosphère, les occasions d’être rejeté par le non-moi, ou de se décevoir soi-même pour ne pas être à la hauteur des circonstances vont se multiplier. Même si le sujet n’en est pas responsable, il peut subir des contraintes auxquelles il ne sache pas faire face, comme les catastrophes naturelles ou les guerres. Les occasions de crise, les aides évolutives par conséquent, vont s’accroître.
Le non-moi devient provisoirement l’adversaire du moi.
Distinguer patiemment ce que l’on est des contextes concentriques auxquels on s’identifie, territoire, famille, image de soi, image du monde, permet de reconstruire le moi sur de nouvelles attentes. Elles seront plus dépouillées, informelles, essentielles. La responsabilité personnelle sera plus vivace, le bouc émissaire aura disparu, puisque la victime, elle aussi, aura été expulsée.
Le paradigme de la mutation Supramentale
Un moi-je pluriel est maquillé par le triomphal moi-je totalitaire de la pensée, trichant, prétendant, tirant des plans sur la comète — mais anéanti dans une souffrance vraie ou devant une vérité nue. Le sujet dispose d’un appareil psychologique complexe, qui ne se borne pas au moi, au ça et au surmoi freudiens — mais qu’il ne peut apprendre à utiliser que par lui-même, puisque la nature le pousse seulement aux identifications, et à quelques lueurs sur le caractère qui l’anime, et qui le préserve avec quelques tendances réfractaires. La collaboration du moi est nécessaire pour que soient utilisés d’une manière conforme les éléments à désenchevêtrer des instances psychiques, et dans cette mesure, le principe apparaît clairement être le même dans la sadhana et la psychothérapie. L’identité se met en quête de percer le voile qui lui interdit la vision du réel, compte tenu du fait qu’il sera compris que ce voile n’est pas à l’extérieur, puisque les yeux voient, mais à l’intérieur, comme une paire de lunettes subtiles. Les exemples sont faciles à donner et quand bien même ils sont ici exposés dans un jargon particulier, ils recoupent l’expérience des maîtres et des thérapeutes, aux prises avec le conditionnement psychologique de leurs disciples ou patients.
Le soleil, qui donne le sens de l’identité, peut être faible et enfermer la personne dans la dépendance et la conserver sous des influences multiples. (Il suffit d’utiliser les critères de l’astrologie pour trouver des personnes dont le soleil est à rehausser, car il ne veut ou ne peut pas, allez savoir, briller. Le moi s’autorise seulement à raser les murs et à confondre l’humilité et la lâcheté). Aidé de la conscience supramentale, que j’expérimente depuis 1977, je cherche à libérer le potentiel solaire des personnes que je rencontre, en les impliquant dans leur vie, et la reconnaissance de leurs structures psychologiques. Ainsi, elles peuvent gouverner les relations entre le moi et le non-moi, tout en lâchant prise — en attribuant au moment le pouvoir souverain de révéler, de trancher, de contredire.
Si jamais tous les handicaps révélés par une lecture du thème natal, étaient spécialement étudiés pour l’évolution, cela voudrait dire que le soleil fait son chemin par l’obstacle et le multiple.
Les pouvoirs enfermés de la lumière, dans les védas, le mystère du mental qui veut percer les voiles et embrasser le Tout, cela caractérise les Upanishads, l’éloge de la connaissance, supérieure aux œuvres, remplit les œuvres sacrées de la Chine, Lao-Tseu, Tchouang-Tseu, Lie-Tsi. La perforation des apparences se promène aussi chez les meilleurs grecs, étonnamment nombreux, de l’antiquité, et Platon décrète que les phénomènes ne sont pas le réel mais une toile de fond seulement, un mythe similaire à celui que les rishis exposent dans les védas, un conte qui rappelle singulièrement le samsara et la Maya. Peut-être est-il nécessaire avant tout de se sentir enfermé, limité, ratatiné, confiné, prisonnier des dieux, — ou des planètes si vous préférez, cela revient au même, pour s’élancer sur la piste du temps vierge où tous les carrefours sont solaires, qu’ils mènent à l’échec relatif ou à la victoire facile, sur un chemin infini, libéré de la crainte du non-gratifiant et de l’attente infantile. Peut-être que la lumière ne peut pas être reconnue comme nécessaire avant que l’obscurité nous fasse mourir une première fois.
Le choix spirituel serait alors plutôt une nécessité évolutive qu’une décision personnelle. Dans les états de conscience où toute la vie est sentie comme une manifestation du Suprême, il est clair que les êtres se limitent à ce qui leur procure des satisfactions réelles. Si choisir la voie est une nécessité, le moi ne trichera pas, il s’y engagera sans réserve, guidé par l’intuition que c’est la seule chose à faire. S’il s’agit de quelque luxe ou d’une comédie quelconque, ou encore d’un mouvement dû à des influences extérieures, l’exigence du travail demandé semblera bientôt intenable. Pour la psychothérapie, l’aborder dans un état d’urgence est également nécessaire, pour qu’elle ne soit pas seulement une décoration de l’ego, une coquetterie. Le danger est le levier de toute mutation. Comme le dit Satprem, l’obstacle est l’allié. Sri Aurobindo et Mère ont découvert l’Esprit-Matière par un processus inconnu des hommes, la supramentalisation, qui vient couronner l’ascension évolutive en permettant à l’humain de recevoir par les centres subtils du corps l’énergie-conscience de l’univers. Leurs conclusions sont identiques. La manipulation de la nature s’exerce d’une manière impériale sur les générations et seule l’investigation exhaustive du moi par lui-même libère l’espèce, brise les aliénations généalogiques, entraîne l’épanouissement de l’être.
extrait du Traité d’alchimie vu sur : http://www.supramental-astrologie.fr
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