Récapitulation du travail intérieur
Le moi dépend des fonctions psychologiques qui agissent chacune conformément à sa nature, aussi sûrement que les orbites des planètes dépendent des relations de l’ensemble, et des masses des autres, pour tourner en équilibre autour du soleil sans s’écraser vers lui, ou se perdre hors du système solaire. Aussi, dès que le moi reste accroché à une facette, dès qu’un problème se répète et absorbe le flux psychique, il n’est plus la sphère — telle une goutte de mercure qui roule au cours de la pente sans se soucier de rien, mais devient le polygone. La face qui s’abouche au réel, au Tout, s’empare du moment et le monopolise avec trouble. Le système solaire fonctionne lui aussi comme un tout unique, tel le moi qui s’écartèle puis revient au centre. Dans l’état de santé, chacune des fonctions ne possède qu’une autonomie toute relative, mais elle peut néanmoins être excessive par complaisance ou au contraire déficiente, si la fonction a été cadenassée par la nature après avoir été blessée lors de son exercice. En suivant le septénaire, il est possible de déterminer les risques probables, de comprendre le passage de la sphère au polygone comme une propriété même de l’esprit, qu’il vaut mieux suivre où il nous emmène que contrôler en vain.
Le désir et l’initiative peuvent se retirer du moi après qu’on aura pris une décision catastrophique. Le besoin d’amour à projeter sur l’autre ou à éprouver inconditionnellement pour la vie et tous les êtres peut ne jamais revenir après une éducation manquée, un échec sentimental ou un deuil qui semble particulièrement injuste. La sensibilité peut se murer après une période de souffrance ininterrompue et la dureté de caractère remplacer la spontanéité. Une humiliation profonde, un échec, peut paralyser jupiter et pousser l’individu à se désocialiser ou blesser gravement soleil, et faire abandonner sa volonté d’être unique au moi, d’être ce qu’il est. Faire n’importe quoi ou devenir intégriste sont deux formes de réaction saturnienne à des chocs qui auront brisé la fonction de structuration des valeurs. Un échec scolaire ou professionnel peut blesser mercure et détourner le sujet de la lecture, de la réflexion, de l’intelligence, du besoin de communiquer correctement. Les événements laissent des traces subconscientes. Une éducation avec trop ou pas assez d’autorité dérive la fonction saturnienne, trop ou pas assez d’amour dérive la fonction vénusienne, trop ou pas assez d’échanges verbaux dérive la fonction mercurienne (représentation mentale), trop ou pas assez de sécurité dérive la fonction jupitérienne, trop ou pas assez de contacts physiques en bas âge dérive la fonction lunaire.
Le retour sur le passé se manifeste par des émotions intempestives involontaires, libératrices, qui restituent la fonction authentique. Les crises et les pathologies profondes sont des procédures vivantes et organisées, quasi autonomes, destinées à nous faire lâcher du lest, de force, puisque de gré c’est impossible. La maladie est souvent une procédure de sauvetage, mais à partir de critères que nous avons toutes les peines du monde à identifier, puisque la forme et le fond sont opposés. Certaines pathologies sont des garde-fous, d’autres des rappels à l’ordre, mais toutes sont le tremplin d’une identité déconditionnée. La nature se moque de notre vision du monde, et elle s’amuse à nous détruire ou à nous en faire changer. Les réponses rétrogrades, qui bloquent l’évolution, découlent des grands préjudices qui imposent un des trois modes de traitement archaïques, recroquevillement, attaque, fuite, et cousent ainsi le moi blessé au non-moi par un comportement donné. Un éventail de réponses est alors disponible, avec quatre modalités.
La culpabilité envahissante (Saturne)
ou le laisser-aller (lune),
ou la précipitation et fuite dans l’action (mars),
ou le refuge dans un monde imaginaire idéalisé (venus).
Ces quatre types de réponses inadéquates, très primitives et profondes, correspondent en astrologie aux planètes maîtresses des angles, cette croix qui détermine les espaces fondamentaux du thème archétype. La culpabilité accompagne naturellement le recroquevillement, mais elle s’accommode de l’attaque, et cherche à se cacher dans la désimplication. (Saturne compulsif).
Le laisser-aller est conforme à la fuite ou désimplication, qu’il ratifie glorieusement, mais décore facilement l’attaque, surtout chez les femmes agressives, et accompagne avec bonheur le recroquevillement. (Lune compulsive).
La fuite dans l’action emboîte le plus souvent le pas à l’attaque et à la violence, qui lui sont parfaitement conformes, mais elle s’acoquine peu avec le recroquevillement (ou alors sous forme compulsive et rare de compensation), tandis qu’elle peut en revanche servir magistralement bien la désimplication en la meublant d’artifices. (Mars compulsif).
Le refuge dans la vie imaginaire (idéale) est parfaitement conforme à la désimplication, qu’elle nourrit d’attentes, mais se retrouve sans peine associée à une politique d’attaque dans un milieu fermé, l’individu passant de la léthargie à la violence sans moyen terme, et elle adoucit parfois un recroquevillement intense. (Venus compulsive).
Ces quatre tactiques rétrogrades combinées au ternaire compulsif primordial donnent douze cas de figure fondamentaux — des procédés génériques de refus évolutif, dont la puissance immémoriale se fait sentir dans toute sadhana ou psychothérapie. Ces mélanges combinent une attitude émotionnelle, matérielle et physique en quelque sorte, l’attaque ou violence, la fuite ou désimplication, ou le recroquillement, avec une attitude d’esprit, quelque chose de plus abstrait, de mental, qui autorise et cautionne les attitudes émotionnelles. Cette collaboration subtile de forces recherche une sorte d’harmonisation perverse du mental et du comportement, qui devient homogène dans la dérive pernicieuse et malsaine. Le moi en est à la fois la victime et l’auteur.
Aparté lyrique et Conclusion
Notre chapeau de magicien c’est notre vision du monde, et c’est à nous de la construire et de la détruire en permanence. Ce travail accompagne et complète la réflexion sur l’image de soi. Quant à la baguette magique, vous aurez compris que c’est l’imagination, qui comble les brèches de la réalité quand elle se fend, car on ne peut vivre sans une représentation de la réalité. Quand le chapeau de magicien est cabossé et troué, on n’arrive pas à le jeter et à en fabriquer un autre. La crise devrait permettre de s’en débarrasser, elle est faite pour cela d’un point de vue évolutif, pour casser les cadres et ouvrir vers l’étendue, mais comme c’est tout ce qui nous reste, ce vieux chapeau mité, on le conserve quand même. On y tient autant qu’à son nounours de petit enfant. Alors on le rapièce avec des illusions supérieures, ce qui vaut mieux que rien du tout. Je me permets de donner des outils de transformation pour faciliter le travail et éviter les deux pièges majeurs.
Aller trop dans le dedans, se barricader dans l’ascèse, sans savoir revenir à la viscosité de la synchronicité, principe d’adhésion du moi au non-moi qui fait de chaque journée un oracle permanent tant les indices foisonnent.
Aller trop vers le non-moi, s’y perdre amoureusement comme dans une passion, sans savoir retrouver le moi indépendant, conscient, présent, quand la synchronicité ne fonctionne plus, et qu’il faut vraiment savoir qui l’on est, sans les objets investis, sans les dépendances, sans les béquilles, sans les cartes topographiques de la vérité. La compréhension de l’altérité s’effectue mal si la compréhension de l’identité est embryonnaire. Nous n’aimons pas nos enfants si nous ne sommes pas assez nous-mêmes pour accepter qu’ils ne nous ressemblent pas, nous ne comprenons pas notre conjoint auquel nous préférons l’image fabriquée par nos attachements et qui nous fournit, plus que l’être réel, une nourriture à notre propre identité. Nous refusons l’altérité et ne recherchons que l’identique. Nous nous acharnons au monde-miroir, c’est-à-dire au monde famille, au monde tribu, au monde nombril. Nous savons partager à merveille ce qui est identique, mais nous ne savons pas partager les différences.
Accepter la différence, accueillir ce qui ne nous convient pas, adopter l’inadmissible, tel est le procédé qui mène à la reconnaissance du soi: la légitimité absolue du Réel. Evoluer exige de voir de plus près son chapeau de magicien, qui vient du grand-père ou de je ne sais où, et demande de se pencher sur l’image de soi. Travailler sur le chapeau de magicien concerne la préhension du non-moi, son contact, sa saveur, tandis que le travail sur l’image de soi concerne en premier lieu la recherche de l’identité.
Si l’on veut poursuivre l’investigation évolutive, interroger le Divin sur nous-mêmes, plonger notre sadhana, notre ascèse, notre alchimie dans le mystère, alors une réflexion sur le cosmos s’impose, une consécration surgit pour seconder l’image de soi dans la quête d’absolu. L’accélération évolutive exerce sur la conscience humaine une pression. L’intuition holistique, c’est-à-dire le sentiment de participer à la vie, au cosmos, par-delà en quelque sorte de la fonction familiale et sociale, ne peut que s’accroître naturellement maintenant que la contagion supramentale continue, et que des énergies puissantes contribuent à changer les conditions subtiles sur Terre.
Un air différent souffle déjà depuis 1967. Les murs vont tomber. Le temps est venu pour que le moi se penche sur lui-même, et accorde à ses modes de perception une attention soutenue, directe, spontanée, comme il est nécessaire qu’il prenne acte d’une insatisfaction profonde que nul objet ne peut combler.
Qu’Indra vous révèle par où toutes les choses sont traversées par le même sens.
extrait du Traité d’alchimie vu sur : www.supramental.fr – Le site de Natarajan
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