OU EST LE PARADIS
A ce stade, je crois utile et approprié de vous raconter une histoire.
C’est une histoire vraie, car la réalité est trop riche pour que la nécessité d’inventer se fasse sentir. Sans compter que beaucoup de choses que vous croyez sincèrement créer sont en vérité de très vieux souvenirs, enfouis dans votre mémoire ancestrale, qui font surface, par bribes, tout en gardant un certain flou.
Ce n’est pas une histoire gaie. Cependant, je vous crois assez forts à présent pour faire face à des événements durs, surtout s’il ne s’agit pas e vous déprimer mais bien de vous épauler dans des missions parfois épineuses.
Ils étaient une dizaine d’adolescents, il y a déjà quelques bonnes années de votre temps. Mais ils auraient pu être là, aujourd’hui, dans votre ville et même parmi vos voisins. Car leur histoire est, malheureusement, toujours d’actualité. Comme tant d’autres êtres confrontés aux problèmes de la puberté, ils traversaient des moments difficiles. Certains étaient issus de familles monoparentales, de foyers en déséquilibre. Certains ne pouvaient pas communiquer avec des parents trop sévères, ou trop distants, trop occupés pour leur prêter attention. Alors ils se serraient les coudes entre eux, partageant leurs désillusions, leur frustration devant un monde qui ne leur apportait rien de bon. Leur phrase favorite était : There is no future (Il n’y a pas d’avenir). Phrase importée avec les pratiques que les plus de quarante ans connaissent bien.
Dans les collèges ils apprenaient des tas de choses qui, en leur opinion, ne leur serviraient jamais. Alors ils s’en désintéressaient. Ceci était logique, d’une certaine façon. Pourquoi étudier quand on pense que l’on n’a pas d’avenir ? Et le moment arriva où ils se sont trouvés prêts pour n’importe quelle folie ou acte désespéré. Ils auraient pu se suicider, comme certains l’ont fait, ou devenir des criminels, des voleurs, des assassins. La rencontre d’un « grand », un garçon, leur aîné de quatre ou cinq ans, allait décider de leur sort.
Voyez-vous, c’est flatteur pour un groupe de jeunes entre 13 et 15 ans, livrés à eux-mêmes la plupart du temps, d’attirer l’attention de quelqu’un qu’ils considèrent comme un adulte. Celui-ci (appelons-le Gilles) leur expliqua que l’école était une prison conçue pour les piéger et les obliger à entrer dans les rangs, à mener la même existence sans joie de leurs parents, laquelle se résumait au slogan : « métro-boulot-dodo ». Il leur dit qu’ils pouvaient choisir une autre vie, de liberté, qu’ils pouvaient atteindre une autre réalité, plus belle, plus heureuse, rien qu’en consommant quelques grammes d’une herbe ou d’ne poudre. « Cela vous permettra de faire des trips (voyages) extraordinaires, d’échapper à la triste monotonie de cette ville pourrie ».
Le plus jeune, Laurent, s’insurgea. Il avait compris qu’il s’agissait de drogues et trouvait cela mauvais. Son père l’avait mis en garde contre ces produits, maladroitement il est vrai, car les enjeux réels lui échappaient. Gilles riposta que le père en question, comme tous les autres parents, n’avait qu’une envie : celle de voir son fils endosser le harnais et tirer avec lui le lourd charriot familial. Qu’il ne voulait pas que son fils soit libre ou heureux. Et il ajouta que les américains avaient découvert ces produits, utilisés depuis très longtemps par les chamans indiens, de vrais sorciers qui savaient appeler la pluie et communiquer avec les animaux. Le jeune Paul, que l’on surnommait l’OVNI depuis qu’il s’intéressait particulièrement aux phénomènes spatiaux, si décriés à l’époque, annonça à son tour qu’il ne voyait pas l’intérêt d’appeler la pluie qui, à son avis, ne faisait que de la gadoue dans le quartier, et qu’il s’entendait bien avec son chien sans avoir recours à des « cochonneries ».
Mais Gilles avait l’avantage de ses 4 ans de plus que l’aîné des autres et comptait bien en tirer profit. Il leur expliqua que le plus important n’était pas cela, mais que c’étaient les endroits étranges et fantastiques où ils allaient pendant les « trips ». Il finit par dire qu’il y avait même des gens qui composaient de la musique à ces moments-là, sans jamais l’avoir apprise. Avec cet argument de poids il l’emporta définitivement. Une dizaine d’adolescents sans histoire prit un ticket pour le « paradis ». Bien entendu, personne ne leur signala que ce paradis était, en vérité, le seuil de l’enfer, un enfer d’où ils seraient bientôt incapables de sortir car il s’installerait à l’intérieur de leur tête et de leur cœur, le corps émotionnel étant le plus atteint par ce type de forces.
Les plus chanceux furent deux d’entre eux qui éprouvèrent des maux de tête et des nausées à leur toute première expérience, et donc en restèrent là. Le reste du groupe, ceux qui eurent quelques belles visions pour mieux se faire prendre et ceux qui eurent cherché une fois et une autre à les expérimenter, ne se releva plus. A treize ans, Laurent, par exemple, commença à chercher le paradis. A quinze il était déjà devenu un autre, menteur, voleur, dealer pour pouvoir se payer sa dose. Et à vingt ans il n’y avait plus de Laurent ; juste une loque qui marchait dans les rues de la ville, à moitié inconscient, ne se réveillant que pour chercher les moyens de nourrir son terrible besoin.
Ils n’ont pas tous sombré pour de bon. Un d’entre eux a décroché assez tôt, après quelques six ou sept ans d’enfer. Il a mené une existence marginale, se battant jour et nuit avec ses fantômes, et petit à petit a réussi à regagner son propre respect, à travailler, à relever la tête. Il n’est pas encore entièrement guéri, mais il se remettra. Il a eu, tout au long de son calvaire, une mère aimante et dotée d’une large dose de bon sens, qui était toujours là pour lui, mais ne le harcelait pas, n e faisait jamais peser sur lui son inquiétude ; un de ces êtres qui ne désespère jamais et à qui l’amour donne une endurance presque surhumaine.
Les autres finiront par décrocher aussi, mais peut-être leur faudra-t-il une ou deux vies de maladie et de handicap pour apprendre à respecter leur corps, l’outil le plus précieux qui leur a été donné. Et je vous rappelle que ce ne sera pas le Ciel qui leur donnera ces vies-là mais eux-mêmes qui les choisiront, dans la sagesse de leurs âmes. Les familles, à l’époque ne se rendaient compte de la situation que lorsqu’il était trop tard. En la découvrant, elles se trouvaient désemparées et incapables d’arracher leurs enfants à leur triste condition. Sont-elles plus armées, plus efficaces aujourd’hui ?
Ce n’est pas sûr. Qui dit aux enfants que tout le bonheur auquel ils aspirent est au fond de leur cœur, qu’ils n’ont pas besoin de « paradis » artificiel ? Qui leur dit qu’ils sont des Enfants Divins sur le chemin de retour au Foyer ? Qui leur dit qu’ils sont aimés, chéris du Ciel, y compris lorsque sur Terre personne ne les aime, et qu’ils ont des amis dans ces autres réalités qu’ils veulent atteindre et auxquelles ils auront accès simplement par l’amour et la confiance ? Qui leur dit que la vie peut être elle, que la joie existe, que la paix sera créée pour eux s’ils le décident et se mettent à œuvrer avec les êtres de paix dans ce monde ? Qui leur dit que les produits frelatés qu’ils achètent très chers n’ont rien à voir avec les herbes sacrées des chamans, et que celles-ci n’étaient consommées qu’au cours de certaines cérémonies, avec beaucoup de respect et en doses infimes.
Qui leur donne l’exemple d’une âme en paix, dans l’amour, la joie, la lumière, sans recours à aucun artifice ? Qui leur dit qu’un monde de beauté et d’harmonie est en train d ‘être façonné pour eux et qu’ils n’ont qu’à le vouloir et contribuer à sa création par leurs propres capacités, aussi limitées que celles-ci puissent leur sembler ?
Dites-le leur, vous, chers enfants, car ils vous écouteront peut-être. Dites-le leur le plus tôt possible, avant qu’ils ne rencontrent un Gilles sur leur chemin, car après ce sera sans doute trop tard. Et surtout soyez des exemples vivants pour eux, par votre amour, votre paix, votre lumière et la joie qui est dans vos cœurs. Et soyez mille fois bénis pour vos efforts dans le sens de sauver la jeunesse de cette planète, de lui épargner des siècles supplémentaires de souffrance. Et il en sera ainsi.
Extrait de « Le Temps des Maîtres » – transmis par Marlice d’Allance 2012- - recopié par Francesca aux Editions HELIOS
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