OLLIE, LE GARCON INTERROMPU
Lorsque les enfants sont obligés d’accepter plus de responsabilités qu’ils ne le devraient en bas âge, leur développement spirituel est perturbé. Un adulte qui a l’impression de n’avoir jamais eu d’enfance peut se sentir amer ou rancunier envers ses parents ou envers la vie. Nous souffrons profondément lorsqu’on nous prive de ces précieuses années où nous sommes censés vivre en imagination, entre la fantaisie et la réalité.
Des tribus Amérindiennes, comme les Hopis, croient qu’il faut sept ans à un esprit pour s’incarner pleinement sur le plan physique. Le garçon demeure alors sous la surveillance et les soins de ses esprits protecteurs qui, en suite, confient la charge première de son imagination aux parents. Les contes de fée, les récits folkloriques et les traditions autour du Père Noël, du Lapin de Pâques et de la Fée des Dents sont destinés à préserver le sentiment d’émerveillement chez l’enfant. Sans ce rapport au fantastique, il est difficile d’envisager la magie, les espoirs et les rêves.
A six ans, en rentrant de sa classe de première année, Ollie découvrit que sa mère était partie pour toujours. Même le père d’Ollie était sous le choc, car sa femme n’avait jamais donné signe d’un tel malheur. Soudain, Ollie fut chargé d’aider son père à s’occuper de ses sœurs, des jumelles de quatre ans. Au lieu d’aller s’amuser avec ses amis après l’école, Ollie devait colorier ou jouer avec ses sœurs, en remplacement d’une gardienne. Avec les années, ses responsabilités domestiques augmentèrent. Dès l’âge de 10 ans, il préparait les repas, nettoyait la maison et faisait la lessive.
« Mon père faisait de son mieux dans les circonstances, dit Ollie. Il revenait directement à la maison après le travail et tentait de passer le plus de temps possible avec nous ; Mais il était fatigué et assumait sa part de l’entretien. Parfois, il me servait cette rengaine : « Il faut que tu sois l’homme de la maison », puis s’excusait du fait que les choses ne pouvaient être différentes. Mais e détestais profondément chacun de ces instants. Je ne pouvais pas jouer au baseball, l’été, ni pratiquer d’autres sports durant l’année scolaire, car je n’étais pas certain de pouvoir me rendre à l’entraînement ni à la joute. Je ne me rappelle même pas à quoi ressemblait mon enfance »….
L’enfance d’Ollie eut un profond effet sur sa vie professionnelle et personnelle. Son poste de vendeur de logiciels impliquait des déplacements occasionnels. « Un an après avoir accepté cet emploi, dit-il, j’ai commencé à ajouter, ici et là, une journée à mes voyages d’affaires, sans le dire à mon patron. J’avais l’impression de le mériter, car je consacrais beaucoup de temps à mon travail. Je n’en étais pas conscient à l’époque, mais je le faisais pour reprendre mon enfance. Je voulais « sortir et aller jouer » et c’est ainsi que je l’ai fait »….
Avec le temps, on découvrit l’habitude d’Ollie d’ajouter une « journée supplémentaire » et on le congédia. Il s’était marié à 22 ans, et, comme il se retrouvait en chômage à 28 ans, se femme devait faire vivre la famille : « Je lui ai dit que je trouverais sans difficulté un autre emploi, puisque tout, en ce monde, est relié aux ordinateurs. J’ai commencé à chercher un emploi quelques jours après avoir perdu le précédent, mais aucun ne me semblait convenable. Les semaines de chômage devinrent des mois, et ma femme se sentait de plus en plus déçue de mon attitude. Je crois qu’elle devinait que je ne voulais pas retourner au travail. J’aimais me faire entretenir. Je lui ai dit que je faisais de mon mieux, mais je n’essayais pas le moins du monde ».
La femme d’Ollie finit par lui présenter un ultimatum : « trouver un emploi ou déménager ». « C’était le genre d’ultimatum qui allait m’obliger à trouver un travail, que je le veuille ou non », dit-il. Ollie retourna travailler, une fois de plus dans la vente d’ordinateurs, mais l’ambition qu’il consacrait à son emploi précédent faisait maintenant place au ressentiment. « J’étais vexé de retourner au travail, d’être au travail et de revenir du travail. Je n’avais plus de liberté, et j’ai fini par sombrer dans une dépression nerveuse ».
Ollie entreprit une thérapie et, à l’aide de son conseiller, il commença à ressortir son Enfant Intérieur.
« J’ai découvert tellement de choses sur moi-même. Je savais que je regrettais mes jeunes années, mais je n’avais jamais imaginé à quel point j’étais dévoré par mon sentiment d’abandon. J’ai réalisé que ma psyché ordonnait ma vie autour du sentiment d’avoir été abandonné par ma mère et de l’obligation de la remplacer ; ironiquement, en tant qu’adulte, j’abandonnais mes responsabilités, comme l’avais fait ma mère. Je voulais maintenant vivre une partie de ce qu’aurait pu être ma jeunesse. Je me demandais si ma mère avait eu elle aussi une enfance ratée et nous avait laissés pour trouver cette part d’elle-même.
Quand j’y pense de ce point de vue, je ressens de la compassion pour elle, car je doute qu’elle ait jamais comprendre la source véritable de sa douleur. Mon Enfant Abandonné était si actif dans ma psyché qu’il ordonnait toute ma vie »….
retranscrit par Francesca du blog http://francesca1.unblog.fr/
Extrait du livre Caroline MYSS, intitulé « CONTRATS SACRES » aux éditions Ariane.
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